Avec l’essor fulgurant du télétravail, plusieurs chercheurs se sont demandé comment ce mode de fonctionnement affecte la performance des employés… mais peu se sont penchés sur ses effets du côté du gestionnaire. Un article publié dans Personnel Psychology par Timothy Golden et Michael Ford explore une question rarement abordée : les employés ont-ils autant confiance en leur supérieur lorsque celui-ci travaille à distance ? Et si non, qu’est-ce qui explique cette perte de confiance ?
Pour répondre à cette question, les auteurs ont mené trois études, dont une dans une grande entreprise américaine avec plus de 100 gestionnaires et 300 employés. Ils se sont intéressés à la confiance « affective » — celle qui repose sur le lien personnel et l’intuition qu’on peut se fier à l’autre — et ont observé que plus un gestionnaire télétravaille, plus ses employés tendent à ressentir une distance psychologique, et à douter de ses intentions. Même si le gestionnaire est compétent, le manque d’interactions concrètes rend ses gestes plus abstraits, donc plus ambigus. En effet, plus une personne est perçue comme distante, plus on l’imagine de façon simplifiée, sans nuances ni contexte. Et dans les relations humaines, cela ne joue pas en faveur de la confiance.
L’étude montre aussi que la surveillance accentue le problème. Un gestionnaire qui télétravaille beaucoup et qui en plus surveille étroitement ses employés — par exemple avec des suivis fréquents ou un ton méfiant — risque de saper encore davantage le lien de confiance. Les employés interprètent plus facilement ces comportements comme du contrôle malveillant, surtout s’ils manquent de signaux affectifs ou contextuels pour nuancer cette perception.
Sur le plan pratique, ces résultats invitent à la prudence dans les modèles hybrides où les gestionnaires sont rarement présents. La qualité de la relation ne repose pas seulement sur des livrables ou des réunions virtuelles, mais sur des interactions humaines concrètes qui permettent de bâtir la confiance affective. Lorsque la distance devient la norme, il faut redoubler d’efforts pour maintenir une présence relationnelle — même à travers un écran.