Combattre la méfiance

On aime se croire ouverts d’esprit, surtout quand on travaille dans des environnements « diversifiés ». Pourtant, une étude parue dans le Journal of Personality and Social Psychology, Brittany C. Solomon rappelle que la méfiance ne se loge pas qu’entre groupes ethniques ou culturels : elle se niche aussi dans nos préférences politiques. Et, comme souvent, libéraux et conservateurs excellent à se méfier… mais pas des mêmes personnes.

Les résultats sont savoureux : les libéraux ont tendance à se méfier des collègues qui ne partagent pas leurs opinions politiques, tandis que les conservateurs se méfient davantage de ceux qui ne partagent pas leur origine ethnique. Dans une série d’études de terrain et de laboratoire menées auprès de plus de 250 participants américains, Solomon montre que les premiers doutent de la « bonté » des gens plus conservateurs, alors que ces derniers doutent de la compétence de ceux qui sont ethniquement différent. Bref, la méfiance existe des deux côtés, mais pas envers les mêmes personnes et pas pour les mêmes raisons.

L’étude a été menée aux États-Unis, mais on peut difficilement croire que le phénomène s’arrête à la frontière. Ces filtres cognitifs deviennent un piège collectif quand la diversité politique ou raciale disparaît des lieux de travail. La diversité, c’est aussi ce qui empêche les écosystèmes humains de tourner en vase clos. Le problème, toutefois, c’est qu’on repère plus facilement la méfiance chez les autres qu’en soi-même. Et c’est sans doute ce que cette recherche souligne le mieux : les progressistes, qui ont fait beaucoup d’efforts pour combattre les biais envers les minorités, gagneraient peut-être à appliquer la même vigilance à leur propre ouverture d’esprit.