Depuis quelques années, les dirigeants rivalisent d’imagination pour créer des sièges sociaux spectaculaires : atriums vertigineux, escaliers flottants, vues panoramiques sur la ville ou sur la mer. Derrière ces temples de verre et de lumière, il y a souvent l’idée d’inspirer, ou d’impressionner, autant les employés que les visiteurs. Or, une étude de Jack McGuire et de ses collègues dans Journal of Organizational Behavior montre que ces environnements grandioses ne servent pas qu’à flatter l’œil : ils amplifient littéralement la perception du charisme des leaders qui y évoluent.
Les chercheurs ont d’abord fait une expérience toute simple : un même dirigeant prononce le même discours dans deux salles, l’une banale, l’autre monumentale. Verdict : dans la grande salle, il paraît plus charismatique, plus inspirant, plus crédible. Non pas parce qu’il parle mieux, mais parce que le lieu provoque chez les auditeurs un sentiment d’émerveillement et de grandeur qu’ils lui attribuent inconsciemment. Autrement dit, le décor « reflète » sur la personne au centre de la scène.
Trois autres études, en laboratoire cette fois, confirment le phénomène : les environnements vastes et impressionnants bonifient le charisme perçu d’un inconnu, mais pas celui d’un leader déjà connu pour son magnétisme. Quand l’orateur est Barack Obama ou Nelson Mandela, le décor importe peu; mais quand c’est un gestionnaire ordinaire, une salle spectaculaire peut faire la différence.
Ce constat explique sans doute l’obsession actuelle pour les bureaux-signatures, ces lieux censés incarner la vision du fondateur. Un hall monumental ou une terrasse suspendue n’améliorent pas la stratégie, mais ils augmentent la prestance du leader, au moins le temps d’une visite. Le risque, évidemment, est de confondre architecture et autorité : un cadre de travail impressionnant peut faire paraître un dirigeant plus inspirant qu’il ne l’est vraiment.