On entend souvent que, pour être performante, une équipe doit permettre à chacun de s’exprimer à parts égales. Pourtant, une étude récente publiée dans le Journal of Organizational Behavior par Wu, Tangirala, van Knippenberg et Shu montre que cette idée mérite d’être nuancée. Les auteurs se sont penchés sur la manière dont les équipes, au fil du temps, tendent à centraliser la prise de parole autour de certains membres, et sur les effets que cette dynamique a sur leur performance.
Pour mener leur recherche, ils ont suivi 175 équipes d’étudiants en gestion sur une période de huit semaines, en recueillant des données répétées sur la fréquence des interventions de chacun, la perception des compétences des membres et la performance finale des équipes. Ils ont également pris en compte des facteurs liés à la personnalité collective des équipes, notamment la conscience professionnelle et l’ouverture à l’expérience.
Les résultats montrent qu’au départ, les équipes fonctionnent généralement de manière relativement égalitaire, chacun prenant la parole de façon équilibrée. Toutefois, avec le temps, un phénomène de centralisation se met en place : certaines personnes prennent progressivement plus de place dans les échanges. Cette évolution peut être bénéfique, mais seulement si ceux qui deviennent centraux sont effectivement les plus compétents. Dans les équipes où la centralisation se fait autour des membres les mieux qualifiés, la performance s’améliore nettement. En revanche, lorsque ce sont les membres les plus bavards, mais pas forcément les plus compétents, qui dominent, la centralisation a un effet négatif.
Un autre aspect intéressant concerne la personnalité moyenne des équipes. Les chercheurs observent que les équipes dont les membres sont en moyenne plus consciencieux parviennent plus rapidement à identifier et mettre en avant les membres compétents. Dans les équipes caractérisées par une plus grande ouverture d’esprit, cette dynamique s’installe aussi, mais plus progressivement.
Cette étude offre un éclairage utile pour la gestion des équipes. Elle montre que la performance collective ne repose pas uniquement sur une distribution égale de la parole, mais sur la capacité d’un groupe à reconnaître les compétences réelles et à accorder plus de poids à ceux qui apportent la meilleure expertise. Cela ne signifie pas qu’il faille décourager la participation des autres, mais plutôt qu’une équipe mature apprend à faire de la place à ceux qui peuvent la faire avancer de manière décisive.