Quand la partisanerie politique affaiblit l’éthique des entreprises

Dans un climat d’hyperpolarisation, de plus en plus de PDG affichent ouvertement leurs convictions politiques — parfois jusqu’à en faire un marqueur identitaire. Elon Musk, par exemple, ne cache pas ses prises de position sur la liberté d’expression, la politique américaine ou les controverses culturelles. Mais cette posture partisane peut-elle influencer la conduite éthique d’une entreprise?

Une étude publiée dans l’Academy of Management Journal par Thomas Fewer et Murat Tarakci apporte un éclairage empirique à cette question. Les auteurs montrent que plus un PDG est politiquement partisan, plus son entreprise est susceptible d’être liée à des inconduites éthiques — fraude, pratiques anticoncurrentielles, pollution illégale ou traitement abusif des employés.

Les chercheurs ont analysé un échantillon de 873 PDG américains entre 2010 et 2018, en croisant leurs contributions politiques (issues des registres publics de la FEC) avec des cas documentés d’inconduites tirés de la base Violation Tracker. Résultat : l’orientation politique n’a pas d’effet en soi — les entreprises dirigées par des PDG démocrates et républicains sont également exposées à des fautes. Ce qui fait la différence, c’est le degré de partisanerie : plus un PDG s’identifie fortement à un parti, plus le risque d’inconduite augmente. Ce lien suit une courbe en U inversé : les PDG modérés sont les moins à risque, alors que les plus partisans — à gauche comme à droite — sont associés à davantage de manquements éthiques.

Les auteurs avancent deux mécanismes pour l’expliquer : Premièrement, les PDG partisans auraient moins de réceptivité aux perspectives divergentes, incluant celles des parties prenantes internes ou externes. Deuxièmement, ils ressentiraient un sentiment de justification morale, qui pousse certains leaders très idéologisés à se considérer comme moralement légitimes, même lorsqu’ils adoptent des comportements déviants.

L’étude n’appelle pas à écarter les PDG ayant des convictions politiques. Elle invite plutôt les conseils d’administration à surveiller les effets d’une identité partisane forte sur la prise de décision. Une posture idéologique rigide peut réduire la sensibilité aux signaux d’alerte, renforcer l’aveuglement stratégique, et exposer l’organisation à des risques réputationnels ou juridiques accrus.